AU DELA - 2

  • Qu’est ce qu’il lui arrive ce soir ? dit le père
  • Probablement rien, dit la maman qui sachant le lourd travail de son mari à l’hôpital ne voulait pas rajouter à ses soucis
  • Ça a été ta journée ?
  • Oui, tu sais les consultations s’enchaînent, c’est incroyable le nombre de gens ayant des rhumatismes et qui pensent à se soigner alors qu’ils sont déjà très âgés
  • Quand ils sont plus jeunes, ils n’ont pas le temps de penser qu’un jour ils auront des problèmes, ils pensent à leur travail, à leurs familles, ils courent tout le temps … comme nous !
  • Oui, peut-être. Et toi ? Ton travail ça a été aujourd’hui ?
  • Oui, beaucoup de monde en consultation, des rapports à taper, mais mon travail consiste aussi à accueillir les gens, à les rassurer, leur indiquer ce qu’ils doivent faire, et j’aime ce travail
  • Je sais bien, mais ça m’ennuie que tu travailles, j’aurais préféré que tu restes à la maison pour les enfants
  • Je m’occupe très bien des enfants, ils ne manquent de rien et je préfère travailler.
  • Papa dit Lisa, je peux quitter la table ? J’ai plié ma serviette
  • Certainement ma chérie, tu peux monter dans ta chambre

Et Lisa se dépêcha de grimper l’escalier.

Rémi dans la sienne s’était assis sur son lit en réfléchissant. Qu’est ce qu’il pourrait bien faire pour avoir un ami ? Il se voyait sortir avec lui, discuter, voyager dans le monde, visiter d’autres pays … Pour finir il attrapa un livre et se mit machinalement à regarder les images. Son regard s’arrêta sur une image qui représentait un paysage, il y avait de grands arbres verts qui se découpaient sur un ciel bleu clair et où des nuages s’étalaient. Dans le fond, on voyait trois maisons, qui se dressaient, avec des champs alentour et l’on devinait les jardins potagers. C’était une jolie image, et elle plût beaucoup à Rémi. Il s’imaginait se promener sous ces grands arbres pour regagner l’une des maisons qui serait la sienne. Il pouvait presque sentir le souffle de l’air sur ses joues.

La porte s’ouvrit et sa maman entra.

  • Allez zou, au lit ! Tu vas faire ta toilette te brosser les dents et mettre ton pyjama
  • Oh non !
  • Mais si ! Demain tu te lèves tôt, tu as école !

Tout en ronchonnant, Rémi partit dans la salle de bains. Quand il revint il entendit sa maman dans la chambre de sa sœur. Il ouvrit la porte et passa sa tête

  • Bonne nuit Lisa, dit-il
  • Bonne nuit petit frère !
  • Lisa, tu peux lire encore une demi-heure, dit maman, et toi au lit, dit-elle à Rémi
  • Je peux lire aussi ? demanda Rémi
  • Juste dix minutes alors, je reviens éteindre dans dix minutes
  • Bon, dit Rémi contrarié. Pourquoi Lisa elle peut lire une demi-heure et moi seulement dix minutes, c’est pas juste !

Cependant de peur que sa mère ne change d’avis, il se dépêcha de regagner sa chambre et il se glissa dans le lit. Il reprit son livre qu’il avait laissé sur sa table de nuit et le rouvrit sur la page où il y avait ce paysage qui lui avait plu. Il avait l’impression de rentrer dans ce paysage, il voyait les arbres bouger, l’herbe se plier légèrement sous le vent, et un peu plus loin il voyait la fumée s’élever de la cheminée de l’une des maisons. C’était celle où il vivait avec sa famille. Il pouvait même sentir l’odeur de la terre.

Sa mère rentra dans la chambre.

  • Allez, c’est l’heure de dormir maintenant
  • J’ai pas sommeil, je peux lire encore un peu ?
  • Non, maintenant tu dors !

Elle se pencha pour l’embrasser.

  • Bonne nuit maman, dit-il
  • Dors bien mon chéri ! Elle éteignit la lumière et ferma la porte en sortant.

Resté dans le noir, Rémi ne parvenait pas à dormir, il se revoyait toujours dans cette image, s’asseyant dans l’herbe, écoutant le chant des oiseaux, regardant les nuages passer dans le ciel bleu, il vit même un chat près de lui, un chat gris avec des oreilles blanches. Rémi le caressa. Le chat ronronnait doucement et Rémi finit par s’endormir.

Dormait-il, rêvait-il ? Où était-il vraiment ?

Quand Rémi se réveilla, il était allongé sous un arbre, dans l’herbe. Le chat était près de lui. Il s’assit et se dit qu’il avait faim. Evidemment, il n’avait pas beaucoup mangé la veille, donc il se leva, secoua ses vêtements, et réalisa d’un seul coup qu’il n’était pas dans sa chambre, mais en pleine nature, en fait, il était dans le tableau qu’il admirait la veille. Il ne savait pas comment s’était possible, mais comme il avait faim il se dit qu’il trouverait peut-être à manger dans les maisons qu’il voyait un peu plus loin. Suivi du chat, il avançait vers ces maisons. Il vit la porte de l’une d’entre elles ouverte et entra. Une femme s’activait auprès du feu et se retourna lorsqu’il entra.

  • Ah, te voilà ! tu es encore allé traîner dans le bois !
  • Euh … oui dit Rémi étonné
  • Le petit déjeuner est prêt, tu peux te servir

Rémi ne se le fit pas dire deux fois, il engloutit sa première tartine et trouva que la confiture était bien meilleure que d’habitude.

  • Ton frère est déjà parti à l’école, il commençait plus tôt aujourd’hui
  • Mon … frère ?
  • Oh ! qu’est ce qui t’arrive ? Tu dors encore ?
  • Non, non je ne dors plus
  • Quand tu auras fini, tu iras te laver car tu es tout sale, et ensuite tu iras chercher les œufs dans le poulailler, prends le panier, il me semble qu’il y en aura pas mal aujourd’hui

Rémi n’y comprenait rien. Lorsqu’il eut fini son petit déjeuner, il alla faire un brin de toilette, puis il prit le panier et sortit. Où donc était-il tombé ? Il entendit les poules caqueter et pensa qu’il trouverait sûrement des œufs d’où provenait le bruit. Effectivement, il y avait pas mal de poules et il se mit à chercher des œufs. Le chat avait disparu.

Lorsqu’il revint, son panier bien rempli, la femme regarda ce qu’il avait ramené.

  • Oui, il y en a pas mal ! je vais aller les vendre au marché, ça nous fera un peu d’argent. Ton père est dans les champs. Il rentrera vers midi pour déjeuner mais je serai de retour avant.
  • Mon père ?
  • Bah oui !! Evidemment ton père !

Elle mit son châle sur ses épaules, prit le panier et sortit. Rémi resta seul en se demandant ce qu’il allait faire, comment allait-il pouvoir rentrer chez lui ? Il en était là de ses réflexions lorsqu’un jeune garçon entra.

  • Salut frère, où est maman ?
  • Ta maman est partie vendre les œufs
  • Ma maman est aussi la tienne !

Rémi le regarda et se mit à pleurer

  • Qu’est ce qui t’arrive ?
  • Cette dame n’est pas ma maman !
  • Comment ça ?

Et Rémi lui raconta ce qui lui était arrivé.

  • Je veux rentrer chez moi, mais je ne sais pas comment, conclut-il
  • Pourtant tu es bien mon frère François !
  • Je ne sais pas comment c’est possible, moi j’habite en ville, pas à la campagne, mon père est rhumatologue et ma mère secrétaire médicale. J’ai aussi une sœur Lisa qui est plus âgée que moi. Il y a surement une erreur quelque part !
  • Aurais-tu par hasard souhaité quelque chose de particulier ?
  • Oui, je voulais avoir un frère qui soit un ami. Ma sœur ne s’occupe pas de moi et mes parents sont toujours occupés, alors j’ai souhaité avoir un frère qui soit aussi mon ami, qu’on puisse parler ensemble, faire des choses ensemble !
  • Et bien ton souhait a dû devenir réel, tu es à une époque où tu avais un frère, moi !
  • Mais je veux rentrer chez moi !
  • Alors, d’après moi, tu n’as qu’à le souhaiter très fort et tu rentreras chez toi, si ça a marché dans un sens, ça va marcher dans l’autre !
  • Je vais essayer, et si j’ai envie de te revoir je devrai donc le vouloir pour revenir
  • Oui, c’est ça, mais tu vas me manquer !

Ils se regardèrent.

  • Tu as dit que ton père était rhumatologue, c’est quoi ça au juste ?
  • Il soigne les gens qui ont des rhumatismes, c’est un médecin, il soigne des gens qui ont des problèmes d’articulations, qui ont mal au dos, du mal à marcher, pas seulement les gens âgés mais aussi les plus jeunes.
  • Ah ! ici, on n’a pas ça. On soigne avec les plantes, les pierres, il y a aussi des guérisseurs qui guérissent les gens malades, rien qu’avec leurs mains.
  • Rien qu’avec leurs mains !
  • Oui, par exemple ma mère aide les gens qui sont malades quand ils ont des problèmes. Elle connait aussi tout plein d’herbes qui guérissent

Rémi était très surpris, comment peut on soigner les gens avec des plantes ou des pierres ?

  • Et comment les gens la connaissent ?
  • Ils la connaissent parce qu’ils parlent entre eux, et quand quelqu’un en a besoin, il vient la trouver

Rémi était songeur. Puis il demanda :

  • C’est quoi ton prénom ?
  • Gauvin
  • Alors, Gauvin, je vais essayer de repartir. Si ça marche, je reviendrai te voir. Tu pourras expliquer à ta mère ce qui m’est arrivé ?
  • Je vais lui dire, et je serai heureux que tu reviennes, tu pourras me raconter ce que tu fais et ce qui se passe là où tu es. J’ai des tâches à faire encore, je te laisse, j’espère que ça marchera pour toi puisque c’est ce que tu souhaites.
  • Merci, merci beaucoup, dit Rémi et il regarda Gauvin s’éloigner.

Puis il alla s’asseoir sous un arbre et s’endormit. Mais auparavant, il souhaita de tout son cœur se retrouver dans son lit, chez lui, avec ses parents.

 

Date de dernière mise à jour : 26/07/2021

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